Abeille

Les bestiaires médiévaux explicitent une vision des abeilles qui est totalement différente de celle que nous avons aujourd’hui. Brunet Latin écrit que les abeilles sont des mouches qui font du miel — et elles sont en effet représentées comme cela dans les enluminures — et, comme chez les hommes, elles ont une hiérarchie avec une place et un rôle précis à tenir. 

L’équilibre de la faune et la flore étant d’une importance capitale, les abeilles sont un élément clef pour la pollinisation qui permet la reproduction des fleurs et la fructification, mais au Moyen Âge on croyait que les abeilles recueillaient directement de la cire comme le dit le texte de Brunet Latin. On croyait également qu’elles naissaient — d’abord sous la forme de vers — à partir des charognes (phénomène de génération spontanée).

L’abeille est perçue comme étant le symbole de la concorde, de l’obéissance, de la prévoyance et du travail, c’est un point commun qu’elle partage avec la fourmi. Parallèlement à cela, l’abeille a été un symbole de la royauté à partir de l’Égypte Antique (dans l’alphabet hiéroglyphique) ; elle l’était encore à l’époque de Napoléon Ier qui en 1804 fit broder des abeilles sur son manteau pour son couronnement. 

Image : Valenciennes, Bibliothèque municipale, ms. 320, fol. 140r

« Les abeilles sont les mouches qui font le miel. Elles naissent sans pattes et sans ailes, mais ces dernières se développent après leur naissance. Ces mouches accordent une grande importance à faire leur miel, car c’est de différentes variétés de fleurs qu’elles recueillent la cire, qu’elles vont édifier des maisons et des habitations grâce à leur extraordinaire savoir-faire, et chacune a son propre espace de vie qu’elles gardent tous les jours sans le changer. Ainsi, elles ont des chefs de guerre et des rois, font des batailles, fuient la fumée et se figent par le son des pierres et des tambours et de telles choses qui font du bruit et un grand tumulte. Ceux qui l’ont expérimenté disent qu’elles naissent de la charogne d’un bœuf, de la manière suivante : on bat très fort la carcasse d’un veau mort, et quand son sang pourrit, voilà qu’ils en naissent des vers, qui deviennent des abeilles. De la même manière, le frelon naît du cheval, le bourdon du mulet et la guêpe de l’âne. 

Sachez que parmi tous les animaux du monde, les abeilles mettent toutes choses en commun dans toutes leurs familles, puisqu’elles habitent toutes dans une même maison et sortent à l’intérieur des limites d’un pays, et le travail de chacune est mis en commun avec les autres et la nourriture aussi, et tous les biens, les fruits et les pommes sont communs à toutes ; car, qui plus est, la descendance est commune et leurs enfants aussi. Et bien qu’elles soient toutes chastes et vierges, sans aucune corruption charnelle, toutefois elles donnent le jour à des enfants en quantité ; elles établissent une hiérarchie dans leur peuple et maintiennent une différence entre les abeilles communes et les abeilles bourgeoises. 

Elles choisissent leur roi non pas en le désignant par le sort, car dans celui-ci il y a plus de hasard que dans une décision raisonnée : elles choisissent pour roi et seigneur des autres celui à qui la nature a donné une marque de noblesse, qui est plus grand et plus beau et de meilleure vie ; et bien qu’il soit le roi et le plus grand de tous, il est le plus humble et manifeste le plus de pitié, il n’use même pas son aiguillon pour se venger.

 Néanmoins, même s’il est roi, les autres sont entièrement libres et jouissent de leur pouvoir. Mais la bienveillance que la nature leur a donnée les rend obéissantes et aimables envers leur seigneur. Ainsi aucune ne sort de sa maison avant que le roi ne sorte et prenne la décision de voler là où il veut.  Mais les jeunes abeilles n’osent pas se poser avant que leur maître soit placé, car il faut qu’il puisse s’asseoir où il veut ; puis elles s’assoient autour de lui. » (Brunet Latin, Le Livre du trésor).

Texte et traduction : Julie S., Laura D., Lauriane P., Lauryne H.